REBONDIR ! UN SLASH DE PLUS
J'ai toujours eu une affection particulière pour cette petite barre oblique aux effets typographiques infinis. Bien avant qu'il ne m'autorise à cumuler les fonctions, j'abusais déjà de sa fonction graphique. Tantôt dans un sens puis dans l'autre, je couchais les slashs et les antislashs sur à peu près toutes mes créations.
Je "slashais" mes activités, m'autorisant ainsi à énoncer mes métiers sans autres explications jusqu’à qu'une nouvelle petite barre oblique s'invite à la liste.
[Slash] auteure [Slash] éditrice
Il y a bientôt deux ans, je démarrais ce jeu de marelle qui consistait à pousser ma petite pierre de case en case. Il n’y avait pas de plan et je ne visais pas le ciel mais la nécessité malgré tout de rebondir en ces temps de crise. D’abord écrire, puis concevoir l’ouvrage et enfin fabriquer. Tout ça je savais faire… et après ? J’avais imaginé aller frapper aux portes des maisons d’éditions spécialisées quand je m’immergeais dans leur monde. Se balader sur des chemins inconnus demande créativité et agilité et j’ai adoré ça. On pousse la pierre un peu à droite, puis à gauche, on revient en arrière puis d’un coup de pied maitrisé, le petit caillou s’immobilise dans la juste case. Référencer son ouvrage, le diffuser, le distribuer… Face à l’inconnu, je n’avais imprimé que deux cents exemplaires, histoire d’explorer comment ce livre allait vivre sa vie. Au moment de le dévoiler au travers d’un simple post, une nouvelle donnée s’était invitée dans le jeu. Un chirurgien allait plonger dans ma colonne vertébrale. Sauter à clocher pied était devenu mon nouveau ciel et il semblait bien haut. Alors si marcher, simplement se déplacer, n’était plus possible, ces quatre petits cartons de papier étaient devenu le symbole d’un futur possible. Il me suffirait de fermer les yeux pour remettre mes jambes en mouvement et reprendre le chemin.
Quand je les rouvris, la pierre avait cheminé sur la marelle et se posait fièrement sur le haut du quadrillage dessiné à la craie. Mes pieds et mes jambes m’exprimaient qu’elles étaient de retour et les commandes de mon ouvrage avaient rempli ma boite mail. Interdite de déplacement pour plusieurs mois, amis et voisins se chargeaient des expéditions. La solidarité donnait une autre saveur à mon aventure.
Les quatre petits cartons se sont retrouvés dans les mains des lecteurs en quelques semaines. Et c’est une palette de 350 kilos qui fit son apparition au pied de mon immeuble. J’aurais du immortaliser ce moment. Face à cet amoncellement de cartons, mes voisins m’ont certainement prise pour une dingue. Mon air dubitatif semblait confirmer qu’ils avaient raison.
Le libraire : « c’est quoi le sujet du prochain ? » Je l’avais imaginé comme une collection alors je me suis attelée au suivant. Si cet espace temps de création solitaire est un instant de plénitude, j’ai découvert des plaisirs simples que je ne soupçonnais pas. Emballer, étiqueter, se rendre à la Poste, en profiter pour discuter avec la guichetière… mon quotidien de « jeune » éditrice.
La joie de lire quelques mots que les lecteurs prennent la peine de me transmettre, les échanges toujours passionnants avec les libraires, des instants précieux pour faire le plein de cette énergie créative et un nouveau rêve, celui d’accueillir d’autres auteurs et partager la marelle.
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